dimanche 29 novembre 2009

Quelle voie pour combattre la pauvreté énergétique en Afrique ?


Le 4 Novembre dernier se tenait à Bruxelles la conférence de lancement de la 2ème Facilité Energie ACP-UE, rendez-vous que je ne pouvais pas manquer. Instrument de co-financement établi en 2005 par la Commission européenne, la Facilité Energie a pour objectif de "soutenir des projets améliorant l’accès aux services énergétiques durables et abordables en milieu rural et périurbain dans les pays d’ Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)". En sommes, il s'agit de l'aide européenne aux pays en développement pour leur facilité l'accès à l'énergie des populations.



"FACILITE ENERGIE ACP-UE" - 04 Novembre 2009

Petit historique de la Facilité Energie ACP-UE, celle-ci a été institué par la Commission Européenne a institué au sein de l'Initiative de l’Union Européenne pour l’Energie (EUEI) lancée par l'Union en 2002 lors du Sommet Mondial pour le Développement Durable. Son le but étant de s'inscrire dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) lancés en 2000 par les Nations Unies en termes de "réduction et d’éradication de la pauvreté". La "session d'information" du 4 Novembre avait donc deux buts, d'abord brosser un bilan de la 1ère Facilité notamment en présentant quelqu'uns des projets auxquels celle-ci a contribué et tracer les lignes du nouvel appel à proposition, sachant que ces grandes lignes sont de facto celles de l'Union Européenne dans ce domaine.

En préambule de cette rencontre, l'ouverture par M. Koos Richelle, Directeur Général d'EuropeAid et Son Excellence Brave Ndisale, Ambassadeur du Malawi et Présidente du Comité des Ambassadeurs du Groupe des Etats ACP devait rappeler l'urgence sociale qui touche plus 1,6 milliards de personnes dans le monde, principalement dans les milieux ruraux et périurbains des pays en voie de développement : l'absence d'accès à l'électricité. Pas de surprises, les situations les plus graves se trouvent dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), où le taux d’accès à l’électricité n'est parfois que de 10% en milieu rural. Pour ne citer que l'exemple du Niger, que je connais pour y avoir consacré un mémoire de recherche (Electrification et accès à l'électricité au Niger, l'exemple de la Communauté Urbaine de Niamey, 2007) le taux d'accès à l'électricité est inférieur à 8%, près de 20% en milieu urbain et moins de 3% en milieu rural. Pourtant, l’accès à l’énergie est aujourd'hui de largement considérée comme une condition préalable essentielle à la croissance économique et au bien-être social.

Dans ce cadre, la présentation des résultats de la première Facilité Energie par Madame Carla Osorio, Chef d'Unité de la Facilité pour l'Eau et l'Energie et surtout la présentation de 3 exemples de projets originaux et réussis co-financés par la 1ème Facilité pouvait être un signe encourageant, preuve qu'il est possible de mettre en place des projets pertinent d'un triple point de vue environnemental, social et économique. Premier bilan : la première Facilité Energie, lancée en 2005 était dotée d’un budget total de 220 millions d’euros qui devrait à terme bénéficier à travers 74 projets cofinancés sélectionnés à près de sept millions de personnes. Les 3 projets présentés étaient : Projet n°1 "Electrification périurbaine intensive" en Afrique Centrale, par M. Pierre YETE, Vice-Directeur du Département de l'Industrie et du Tourisme, Commission CEMAC. Projet n°2 "Conversion de la biomasa a energia electrica en Mata de Palma, comunidad canera tradicional de la provincia de El Seibo” en République Dominicaine, présentée par Omar Bros, gestionnaire du projet, Consorcio Tecno DEAH. Projet n°3 "Provision of renewable energy to small villages in Vanuatu using locally produced copra oil as biofuel", présenté par M. John Chaniel, ancien Directeur, UNELCO-Vanuatu. Ces exposés ont été suivi d'un débat portant sur "Accès aux services énergétiques: objectifs sociaux, exigences économiques, préoccupations environnementales".

Enfin, la conférence s'est poursuivi et clos sur la tant attendu "Présentation de la nouvelle Facilité Energie" par M. Ray Holland, gestionnaire de programme, S.E. Sir John Kaputin, Secrétaire Général et M. Gary Quince, Directeur de la Direction Afrique subsaharienne, Caraïbes, Pacifique à EuropeAid.

Dotée d’un budget total de 200 millions d’euros, cette deuxième Facilité Energie (FEII), a été établie dans le cadre du 10ème Fonds Européen de Développement pour la période 2009-2013. Passons les détails procédurales pour évoquer d'avantage les "keyword" et priorités de cette FEII. Trois grandes priorités de la Commission européenne : la lutte contre la pauvreté, la caractère environnemental des projets et le renforcement de la bonne gouvernance. Ces priorités sont clairement reprises dans le communiqué de presse de la Commission qui évoque "La poursuite des activités destinées à améliorer l'accès des populations pauvres à des services énergétiques compatibles avec le développement durable et peu coûteux, ainsi que de contribuer à la lutte contre le changement climatique en s'efforçant de trouver des solutions qui privilégient les énergies renouvelables et de prendre des mesures d'efficacité énergétique".

Pourtant, que pèsent cette "aide" de l'Union face notamment aux politiques des Etats et celles des institutions internationales comme la Banque Mondiale et le FMI, des organisations régionales type NEPAD, Union Africaine et surtout face aux aux ambitions commerciales de grands groupes chinois, américains, français ... En France, le Ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, Jean-Louis Borloo porte la lutte contre la pauvreté énergétique en Afrique, continent pour lequel la situation énergétique est la plus grave. Deux jours après que les Ministres de l'énergie du G8 se soient engagés à Rome pour "des actions résolues" pour s'attaquer "à la pauvreté énergétique", Jean-Louis Borloo annonçait jeudi 28 mai 2009, à Nairobi, lors de la réunion des Ministres africains de l’environnement, une "initiative" sur l’énergie. Intitulée, en anglais, "Energizing Africa : from Dream to Reality" ("Apporter l’énergie à l’Afrique : du rêve à la réalité"), le plan vise à développer l’électricité sur le continent africain tout en luttant contre le changement climatique. Louable, cette initiative française propose de lancer rapidement (avant 2012) une série de projets pilotes, préparant un programme plus large pour la suite, ayant pour objectif "l’accès à l’énergie propre de tous les Africains". La démarche pourrait s’articuler avec l’accord global sur le changement climatique que la communauté internationale espère finaliser à Copenhague, en décembre 2009. Le Ministre envisage des projets pilotes en matière d’électricité rurale ; de lutte contre les coupures électriques ; de réduction de la consommation de bois ; de développement de l’hydroélectricité et de la géothermie.La mise en oeuvre de cette initiative requiert des financements, Seul hic à ce projet : son financement. Celui-ci est conséquent, "400 milliards d’euros sur vingt-cinq ans", sont nécessaires selon Borloo, deux fois la Facilité Energie ACP-UE. Lorsque l'on sait que le gouvernement français a décidé d'apporter 10 millions d'euros à ce projet (sur 400 milliards nécessaires), espérant que l'Europe le soutiendra, et que l'aide au développement française ne représente que 0,28% du PIB, on peut se poser de sérieuses questions qu'en à la réelle volonté d'appliquer une initiative ambitieuse d'accès des populations du Sud à une énergie propre.

Plus ?
La page du site de la Commission Européenne consacrée à la Facilité Energie UE-ACP
La page du Réseau International d'Accès aux Energies Durables (RIAED) présentant l'Initiative "Apporter l'énergie à l'Afrique : du rève à la réalité"


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