mercredi 22 juin 2011

12 ans après la fin de l'uranium, Mounana, work in progress d'une ville fantôme ...


Dans le cadre de mes recherches, j'étais en déplacement au Gabon, en Novembre 2010. Je me suis rendu à Mounana, dans la province du Haut-Ogooué. (Sud-est), près de Franceville, où la Comuf, filiale du Groupe français Areva, a extrait 26 000 tonnes d'uranium entre 1961 et 1999, année de la fermeture de la mine du fait de l'épuisement des gisements.




Depuis 1999, des travaux de réaménagement ont été entrepris par la Comuf, seulement, certaines associations dénoncent leurs carences et évoquent la pollution du site et les risques sanitaires et environnements qui en résultent. Plusieurs milliers de personnes vivent encore à Mounana.

L'émission "C'est pas du vent" y a consacré un reportage (à écouter sur le site de RFI).

L’extraction minière à Mounana, assurée par la Comuf, a entièrement marquée la Commune de Mounana, dont le toponyme même « préfigurait déjà l’impact majeur qu’aura eu l’industrie extractive sur le socle urbain : littéralement, Mounana signifie en langue locale « les trous ». Cette expression faisait référence aux carottages effectués par les prospecteurs du CEA dans les années 1950, qui aboutirent à la découverte de gisements d’uranium. C’est en 1958 que le premier gisement est découvert ; il sera dénommé Mounana».

Pendant ces 40 années d'exploitation (1958-1999), l’industrie extractive et l'État Gabonais se sont peu préoccupés des impacts environnementaux, les impératifs économiques prévalant sur les autres considérations, l'environnement en a été très marqué radiologiquement. La fermeture de la mine a, de fait, engendré des défis d’un genre inédit avec le défi de la reconversion économique et de la requalification environnementale.

mounana06ptt.jpgMounana regroupait deux types de gisements, affleurants et non-affleurants, qui nécessitent des techniques différentes d’extraction en raison du niveau d’enfouissement du minerai. Lorsque celui-ci affleure, il donne lieu à une carrière tandis que lorsque la profondeur d’enfouissement est plus grande, elle donne lieu à une mine souterraine. Ces deux formes d’exploitation ont généré des impacts différents sur le milieu physique et le cadre urbain. Les carrières produisent des impacts environnementaux particulièrement visibles en raison des immenses quantités de roche enlevées. La carrière de Mounana se présente sous la forme d’un gigantesque entonnoir, d’une profondeur de 100m pour un diamètre d’environ 200m, nécessitant la découverte de 1,19 million de tonnes de tout-venant. La carrière d’Oklo a occasionné l’extraction de 1,2 million de m³ pour une profondeur de 200m. Ces volumes considérables de manières enlevées ont complètement défiguré le paysage. Toutefois, si les mines souterraines ont une emprise plus discrète sur le paysage, elles n’en exercent pourtant pas moins une forte incidence sur le territoire, parce qu’elles reposent aussi sur l’enlèvement de matières, elles engendrent un risque géologique d’effondrement ou d’affaissement du sol, dû à la création de réseaux de communication souterrains constitués de galeries reliant les différents points d’extraction. La longueur des voies souterraines était estimée à 25 km au début de la décennie 1980, mais la poursuite de l’extraction en sous-sol jusqu’à la fin des années 1990 laisse supposer que cette longueur a largement été dépassée.

La fermeture de l’exploitation de Mounana intervient dans un contexte mondial, entre la fin des années 1970 et le début des années 2000, de chute des cours de l’uranium qui a entraîné la fermeture d’un grand nombre de sites d’extraction à travers le monde et le lancement d’opérations de réhabilitation. Les mines souterraines sont les premières à avoir été fermées car les coûts de production s’élèvent avec l’approfondissement de la mine.

Le réaménagement des sites miniers de Mounana qui débute en 1997 a été principalement consacré au gommage des impacts environnementaux, via le remodelage esthétique et la dépollution des sols radioactifs, grâce à la contribution financière de l’Union Européenne qui y a consacré 35 millions d’euros, dont 6,1 millions ont directement servi au financement des travaux de réaménagement du site de Mounana.

Malgré ces fonds, plus de dix ans après, des organisations non gouvernementales françaises (CRIIRAD, Sherpa …) et gabonaise (Brainforest) dénoncent les limites et les carences du réaménagement des sites miniers (carrières, mines, carreaux miniers) et industriels (usines de traitement, ateliers divers) délaissés. Elles reprochent de graves lacunes sur la sécurisation physique des sites et la gestion des matières radioactives et regrettent l’absence de documents d’urbanisme. Elles évoquent par exemple l’oubli de matériaux radioactifs (notamment des sables uranifères) à l’air libre, recyclés dans la construction des habitations, ou encore le fait que le lac artificiel d’Oklo ai été utilisé comme dépotoir industriel en recevant les débris métalliques issus du démantèlement des équipements industriels. Par ailleurs, alors que les dommages infligés au substratum urbain par l’extraction aurait dû imposer l’élaboration de documents spécifiques d’aménagement urbain (plan d’occupation des sols, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme), leur inexistence prive la ville d’un zonage définissant les espaces non edificandi pour risque d’instabilité géologique ou d’exposition radiologique. Cette lacune ne permet pas d’assumer la gestion d’un environnement fragilisé par quarante années d’extraction minière, puisqu’il est compliqué de situer les terres arables non marquées. De même, c’est seulement fin 2010, qu’on été mis en place des panneaux de signalisation des différents risques encourus par les populations sur l’ensemble de la ville (voir la photo).

Enfin, il convient également d'évoquer l'importance du rôle de la sphère politique, cette dernière pesant particulièrement dans la situation locale de Mounana (la commune est le bastion d’un parti d’opposition). Mounana fait figure de pré-carré de la « famille Myboto », dont le patriarche, figure de l’opposition aux Bongo, le député et ex Ministre Zachari Myboto, Président de l’UGDD (qui tient les Mairies de Mounana et Moanda, sa voisine qui vie de l’exploitation du phosphate) et Président de l’Union Nationale. Au père la circonscription, à sa fille Chantal la mairie. La famille possède ainsi peu ou proue l’ensemble des rares activités économiques de la commune (Hôtel, restaurants …). De cette situation résulte un rapport de force entre les acteurs politiques locaux et la Comuf. Cette dernière doit par ailleurs s’adapter au contexte mounanais, le Directeur Général de la Comuf qui m’a signalé que les salariés expatriés de la Comuf, dont lui-même, avaient très souvent exercé précédemment à Arlit (Nord-Niger), et que les deux contextes politiques localement étaient très différents, la population d’Arlit n’étant pas aussi politisée que celle de Mounana. Pour la Direction de la Comuf, il s’agit surtout d’une instrumentalisation politique liée au seul « clan Myboto ». C'est dans ce cadre, où chacun se renvoie la balle, que la population délaissée de Mounana attend, sans y croire, une improbable amélioration de leurs conditions de vie.

Plus ?
Site internet de l'ONG gabonaise "Brainforest" qui a publié un rapport sur les "Impacts de l'exploitation minière sur les populations locales et l'environnement dans le Haut-Ogooué", disponible sur leur site internet.
La page consacré par Areva sur son site internet, au réaménagement du site de Mounana

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