vendredi 24 octobre 2014

La barbe des politiques.

Rasé de près sur ses affiches lors des élections européennes, Jérome Lavrilleux porte une barbe de plus en plus épaisse au fur et à mesure que s'accumulent les ennuis judiciaires. G. Varela \ 20 Minutes et AFP Photo / Patrick Kovarik
La barbe est tendance, il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine féminin pour que cela saute immédiatement aux yeux. Acteurs, chanteurs, journalistes, sportifs ... tous arborent fièrement une pilosité faciale plus ou moins fournie. À contre courant, dans le monde politique, les imberbes sont rois. Alors qu'un livre "La barbe ! La politique au fil du rasoir" de Xavier Mauduit (éditions Les belles lettres) publié en Octobre 2014 y est justement consacré, on peut se demander pourquoi, alors que la classe politique est particulièrement sensible à l'image et au paraître, celle-ci semble complètement occulter cet attribut masculin en vogue.

La barbe peut être un élément fort et caractéristique d'une personnalité, au point de devenir symbolique. Pour preuve, le collectif féministe "La barbe", habitué des intrusions revendicatives sur les plateaux télés, dont les militantes se caractérisent par le port de barbes postiches, sensées caricaturer la société machiste et misogyne.

Dans la sphère politique, concrètement si l'on jette un œil à la pilosité de nos députés, force est de constater que les barbus sont bien rares. Au PS on en dénombre 14, à l'UMP 5, chez les écologistes 2, comme chez les communistes et 1 chez les radicaux de gauche, soit 24 députés barbus contre 400 députés glabres. Second constat, sur ces 24 hommes, 19 sont de gauche. La barbe n'a pas l'air d'être en odeur de sainteté à droite. En effet, celle-ci est encore souvent perçue comme l'attribut du gauchiste, de l'étudiant sorbonnard, de l'anarchiste et autres anti-systèmes de tout poils.

Depuis que le Général De Gaulle a fait tombé la moustache on n'a plus guère revu de poils chez nos hommes politiques, particulièrement chez ceux de droite, si ce n'est de rares exceptions. Peut-être parce qu'elle revête dans l'imaginaire collectif une image négative, négligée voir rebelle ou suspecte, la barbe ne fait pas recette auprès des politiques. Pourtant, à l'instar d'une nouvelle coupe de cheveux, de nouvelles lunettes, d'un changement de style vestimentaire comme il arrive aux femmes et aux hommes politiques d'en opérer lorsqu'un conseiller en image parvient à les en convaincre, la barbe est de la même manière, un attribut qui a un sens et une symbolique. Elle offre surtout un moyen simple et rapide de changer d'image.
Ce fut le cas de Nicolas Sarkozy, d'Alain Juppé ou de Jean-Louis Borloo, pour qui le port de la barbe a manifestement tendance à se porter au cours d'une période de retrait de la vie politique, manière de signifier "je suis libre". On a aussi le souvenir du Dominique Strauss-Khan barbu à New-York qui, à l'image de Saddam Hussein s'est présenté à la barre barbu et donc métamorphosé (la comparaison s'arrête là), comme pour incarner l'homme sans artifice, à nu, livré à la vindicte ou cherchant la repentance bref, l'homme vulnérable.

Finalement, qu'elle symbolise la virilité ou la vulnérabilité, la barbe est aussi liée à un fait culturel. Pour ne pas se résigner à ce triste constat "les hommes de pouvoir n'en ont pas", notons qu'il s'agit d'un fait surtout occidental. Cette situation est loin d'être le cas ailleurs notamment dans les pays de culture musulmane où la barbe est vue d'un regard bienveillant. Pour ne citer que quelques puissants connus pour leur barbe, évoquons les ex-Présidents Lula Da Silva, Mahmoud Ahmadinejad, Fidel Castro, Mohamed Morsi ou l'actuel Président du Parlement européen, l'allemand, Martin Schultz ... assurément pas un rebelle anti-système.

Si le port de la barbe peut donc temporairement être pratiqué par les politiques dans une volonté de changer d'image ou d'envoyer un message, il semble en revanche assez hasardeux de vouloir absolument y trouver un sens et faire des généralités avec ce qui semble malgré tout être surtout une préférence personnelle et individuelle.

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