mercredi 17 avril 2019

Des pierres et des Hommes


Plusieurs amis m'ont demandé ce que je pensais du drame qui a frappé la Cathédrale Notre-Dame de Paris. J’étais justement à Paris, non loin de l’évènement, en cette fin d'après-midi. Comment ne pas être choqué bien sûr par l’incendie d'un monument historique auquel nous sommes attachés, emblématique de notre pays et connu à travers le monde ? 
Tous, nous avons partagé les mêmes sentiments de tristesse pour cette tragédie. Pourtant, après l’émotion, les actions qui ont suivi sont en revanche plus discutables. 

Des sommes considérables ont été récoltées ou auraient été promis, par des donateurs, par des particuliers, par la communauté catholique et au-delà. J'ai lu qu'il était question d'un milliard d'euro.

Cette générosité est une bonne chose. Seulement, de quoi un milliard d'euro est-il le nom ? Ce n'est rien de moins que le PIB des Comores. C’est le montant des sommes collectées par le Téléthon en France ces 12 dernières années. En 2013, l’épidémique du virus Ebola qui tua plus de 11000 personnes en Afrique de l'Ouest, considérées alors comme « la plus grave urgence sanitaire de ses dernières années » par Obama, Hollande, Merkel, Renzi et Cameron ne récolta pas plus de quelques dizaines de millions d'euro (dont 25 millions du patron de Facebook, Mark Zuckerberg).

Lors de l'incendie de la cathédrale, il n'y a fort heureusement pas eu à déplorer de pertes humaines. Mon raisonnement c'est de penser que le plus important c'est la vie.

Alors, oui cet élan de générosité c'est une très bonne chose, mais gare à ce que cela n'éclipse pas autant de drames humains, qui se déroulent chaque jour dans notre pays et dans le monde, la misère, la maladie et la souffrance, les violences faites aux femmes, l'exploitation des enfants, la guerre et ses victimes.

Il ne s'agit pas de comparer un drame avec un autre, parce que justement des drames tels que l’incendie d’un monument historique et la mort d’êtres humains n’est pas comparable. Il s’agit simplement de rappeler que les drames humains ne peuvent pas se reconstruire eux et que dans notre société de l’image, la souffrance humaine devrait toujours rester la première des préoccupations et des indignations. Je pense notamment au massacre de 130 membres d’un village le mois dernier au Mali, presque passé inaperçu et pour lequel la communauté internationale n'a pas fait preuve d'une grande solidarité cette fois.

Le très médiatique Stéphane Bern a justement répondu à celles et ceux qui ont exprimé de pareilles pensées en arguant « qu’opposer les vieilles pierres aux hommes c'est ridicule dans la mesure où elles nourrissent les hommes. Cela donne de l’emploi ! Est-ce-que vous savez qu’il y a 500.000 emplois qui sont directement impactés par le patrimoine ».

Certes oui, je suis d’ailleurs moi-même très attaché au patrimoine, à la pierre taillée et à notre histoire ; certes oui s’indigner, s’attrister de ce drame est on ne peut plus normal, mais pour autant quelle indignité de consacrer des sommes astronomiques à la restauration d’un monument, fusse-t-il celui-ci, alors qu’il existe tant de maux et de souffrances humaines qui pourraient être apaisées, du moins en partie, grâce à une partie de cet argent.

Le rayonnement international de notre pays, est le fruit à mon sens en premier lieu d’une philosophe et d’un humanisme. La France des lumières ne vit et ne vivra pas tant par les vestiges d’un passé glorieux que dans l’attitude et les choix de nous autres français aujourd’hui et demain, notamment face aux injustices, à la barbarie et tout ce qui atteint à la dignité humaine.

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