dimanche 9 juin 2019

Des choses pas si communes …


Ce qu’il se passe dans les murs de nos mairies est bien souvent méconnu. Combien de fois m’est-il arrivé au cours d’un repas de famille ou d’un verre entre amis d’amuser la galerie en racontant quelques anecdotes vécues au cours de ces 10 dernières années passées dans des coulisses municipales. 

Il ne devrait pourtant pas y avoir matière à en rire, le sujet ne s’y prête pas spécialement, d’autant plus pour moi qui ai depuis mon adolescence voulu m’investir dans la vie politique locale parce que j’y voyais une noble cause, une façon naturelle de participer en tant que citoyen et de simplement contribuer localement à améliorer notre cadre de vie.

Mais voilà, ces dix années de victoires, réussites, défaites et échecs n’enlèvent rien à mon désir de m’investir et participer, au contraire elles ne m’en ont pas moins donné à réfléchir sur ce que cet environnement révèle souvent de la nature humaine.

J’ai parfois éprouvé de la sympathie, de l’amitié, presque de l’admiration, mais aussi de la méfiance, de la déception ou de l’amertume vis-à-vis de personnes, collègues, camarades fréquentés dans les bureaux ou sur le pavé, entre deux parapheurs, entre deux tracts. Nous passions ensemble plus de temps qu’avec nos conjoints.

Encore maintenant, je m’étonne toujours que ce simple constat puisse surprendre mes interlocuteurs. La vie dans une mairie est faite comme partout ailleurs, du meilleur comme du pire, de belles rencontres et de personnes néfastes et mauvaises, de joies collectives et de déceptions, de colères. On y rencontre des personnalités admirables et d’autres détestables, certaines passionnées qui s’investissent pour les autres, d’autres parfaitement incompétentes, aigries et vicieuses, lorsque certains ne comptent pas leurs heures, d’autres n’en foutent pas une, quand certains s’y ennuient ou dépriment, d’autres s’y plaisent ou acquièrent une situation enviée … Rien de bien surprenant finalement dans de petites baronnies où les relations humaines se nouent souvent entre catégories A, B, C et prennent parfois le visage d’un système de caste avec ses règles et ses exceptions.

J’ai souvent assisté, accepté ou participé à des choses qui n’étaient pas aussi communes et normales que ce que je le croyais alors. Ce monde car s’en est un, est un microcosme où se fréquente 1% de la population municipale, où chacun se connait depuis des générations, où il y a des codes.

Après dix années de cette vie professionnelle, j’ai décidé de la quitter, sans abandonner pour autant la politique qui je le sais me passionnera toujours et qui offre aussi parfois ses moments de joies et de fiertés. Avoir des idéaux politiques est une belle chose, il faut juste ne pas trop se faire d’illusion sur les hommes et les femmes, savoir qu’ici comme ailleurs, on y voit du bon comme du mauvais. S’y ajoute les enjeux du pouvoir. Le pouvoir peut faire de votre ami d’hier l’adversaire ou l’ennemi de demain, il peut rendre quiconque admirable et attirant comme il peut le rendre ridicule et infréquentable, il peut être la raison qui justifie ce que parfois la morale réprouve.

A présent ailleurs professionnellement, lorsque je me retourne et repense à ces années, je n’ai aucun regret mais au contraire, je considère qu’elles sont autant d’expériences enrichissantes, d’histoires que j’ai vécues ou auxquelles j’ai assisté et qui aujourd’hui font rires ou scandalisent mes amis. De trois passages plus ou moins longs dans des mairies, j’en ai tiré des constats et des enseignements, alimentés également par les échanges avec des amis qui ont également fréquenté les services de quelques collectivités territoriales.

C’est à la suite d’un repas avec des amis, au cours duquel une ancienne collègue et moi-même avons raconté nos histoires à table comme c’est souvent le cas, que je me suis dit que si nos amis étaient aussi surpris, amusés ou choqués par nos anecdotes, semblant ignorés complètement le fonctionnement et la vie de nos mairies, que je me suis posé la question de l’intérêt qu’il pourrait y avoir de les raconter au-delà de mon cercle.

C’est sûrement en partie pour que celles et ceux qui le souhaitent, connaissent mieux ces rouages et le quotidien que nos impôts alimentent. C’est aussi certainement pour moi, une manière d’enterrer quelques-uns de ces fantômes et quelques-unes des confidences, des récits et des histoires qui avec du recul et du temps, me semblent à présent de plus en plus singuliers. Enfin, c’est aussi parce qu’il y a eu au cours de ces années, pour le jeune homme que j'étais et qui sortait des bancs de l’université et découvre ce monde jusqu’au cadre que je suis devenu qui en connait les us et coutumes, des incompréhensions et des mystères qu’il m’est aujourd’hui encore difficile à comprendre et parfois à pardonner.

Je suis en discussion avec un éditeur pour retracer quelques-unes de ces histoires et de ces années passées avec celles et ceux qui s’investissent dans la vie d'une commune. Simplement pour raconter à quiconque ne connaissant pas ce monde et qui pour autant souhaite le connaitre, savoir de quoi sont fait les couloirs et les chuchotements de nos Hôtels de ville.

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