mercredi 26 février 2014

Gabon, Jean Ping pour toi !

Jean Ping, alors Président de la Commission de l'Union africaine et Abdelaziz Bouteflika, Président 
algérien en 2011 lors du Sommet du G8 à Deauville.©AP Photo/Lionel Bonaventure, Pool
Après mon article consacré à Bill De Blasio, homme politique haut en couleur, élu Maire de New-York quelques semaines après en novembre 2013, j’avais à cœur d’évoquer un autre personnage non moins atypique, mais pour autant pas moins diamétralement opposé au précédent.
Jean Ping a non seulement un sacré CV, mais il a aussi une personnalité originale. Problème, ces deux atouts peuvent également être sa faiblesse.


S’il fallait réduire la carrière et la vie de Jean Ping à un mot, ce serait « international » tant il a fait le tour de presque l’ensemble des principales institutions mondiales. Il a commencé en tant que fonctionnaire à partir de 1972 à l’Unesco, est devenu Président de l’OPEP en 1993, puis 59ème Président de l’Assemblée générale des Nations Unis en 2004 et de 2008 à 2013.

A cette carrière internationale s’est superposée sa carrière ministérielle dans son pays. Celle-ci commence en 1990, lorsqu’il est nommé Ministre de « l’Information, des Postes et des Télécommunications, du Tourisme et des Loisirs, de la Réforme du secteur parapublic, chargé des relations avec le Parlement, et porte-parole du gouvernement. » Rien que ça ... Deux mois après, il devient Ministre des Mines, de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, poste qu’il occupera pendant un an, puis de 1992 à 1994. Cette année là, il passe Ministre des Affaires étrangères et de la coopération puis six mois plus tard Ministre délégué auprès du Ministre des finances, de l’économie, du budget et de la privatisation. De 1997 à 1999, il est nommé Ministre de la planification, de l’environnement et de la coopération à la suite de quoi il retrouve son ministère des Affaires étrangères qu’il occupe cette fois pendant neuf ans, jusqu’en 2008 lorsqu’il est élu à la Présidence de la Commission de l’Union africaine.
C’est là qu’il acquière définitivement sa stature internationale.

Profil atypique, cet animal politique, le plus puissant des « chinoirs », fils d’un chinois du Sud-Est de la Chine recruté comme travailleur dans les années 1920 et devenu exploitant forestier et d’une gabonnaise, diplômé d’un doctorat de Sciences économiques de Paris 1 Panthéon Sorbonne, est également au fait des us et coutumes de la politique gabonnaise.

Quiconque la connait un tant soit peu sait combien c’est avant tout une histoire de famille. De ce côté-là, Jean Ping a également une bonne carte en jeu. Non seulement, son parcours fait de lui un fidèle du père, dont il a été Directeur de cabinet en plus de ses multiples ministères, il est surtout le père des enfants de Pascaline Bongo Ondimba, fille la plus proche d'Omar Bongo et sœur de l’actuel président.

Alors que l’actuel président a été élu pour la première fois en 2009 avec seulement 41 % des voix (face à Pierre Mamboundou 25 % et André Mba Obame 25 %), Jean Ping à présent sorti de sa réserve et revenu de son exil doré,  joue son va-tout, se lâche, répète à l’envie qu’il n’a peur de rien ni personne et qu’il dit les choses telles qu’il les pense.

En février 2014, il claque la porte du parti, consommant le divorce et s’exposant à la vindicte de la presse, largement acquise au pouvoir. Reprochant aux autorités gabonnaises de ne pas l’avoir soutenu pour sa réélection à la tête de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping annonce «Si le peuple gabonais me demande sérieusement d'être candidat à l'élection présidentielle de 2016, j’accepterai». 

Pourtant en politique, l’homme providentiel n’est pas toujours celui que l’on imagine ni celui qui s’imagine l’être. Attention au « syndrome Villepin », une grande notoriété et un réseau n’ont jamais été les clés du soutien populaire.

Néanmoins, tout en dénonçant les bâtons dans les roues dont il serait victime, il déclare «Eux, ils se disent, Ping est un peureux, jamais il n’osera franchir le Rubicon […] Mes chers frères et sœurs, j’aurai peur de quoi ? De qui et pourquoi ? J’ai pris des risques dans ma vie et pour d’autres pays. Si vous voulez me tuer, tuez-moi. Je n’ai peur de personne. Je suis un homme modeste, à la limite timide, mais il ne faut pas confondre la timidité avec la peur»

Le Gabon a de quoi aiguiser les appétits, grand comme la moitié de la France, riche de son pétrole, faut-il le rappeler ? Avec ses 1,5 millions d’habitants, le pays possède l'indice de développement humain le plus élevé du continent, il dispose du deuxième revenu par habitant derrière la Guinée équatoriale et devant le Botswana. Le PIB par habitant est au niveau de celui de la Turquie ou du Vénézuela et il est le quatrième plus important pays producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne. Le pays est un véritable Koweit africain.

Jean Ping a annoncé la sortie d’un livre intitulé «Éclipse sur l’Afrique, fallait-il tuer Kadhafi ?» en avril 2014. Et après ? Créera-t-il un parti politique, rejoindra t-il l’opposition ou se présentera-t-il la Présidentielle de 2016 en candidat indépendant ? Enfin, n’est-il pas trop déconnecté de la vie quotidienne des gabonnais qu’il aspire à diriger ? Peut-être que d'ici là il aura été appelé à d'autres missions internationales.

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