vendredi 10 avril 2020

Vulnérables

2019-2020 Disparition d'un cinquième des forêts australiennes dans les
incendies, comme plus d'un milliard d'animaux. Et maintenant ? 

Jamais encore l’Homme n’avait connu pareille situation. 
Nous sommes actuellement plus de trois milliards à vivre confinés et cet événement inédit amène à s’interroger sur de nombreux sujets sociétaux, environnementaux, spirituels et économiques.

Paradoxalement, si le COVID19 n’est pas l’épidémie la plus meurtrière que l’Humanité est connue, c’est certainement l’événement le plus insidieux qui nous incite à repenser nos modes de vie, nos relations humaines, nos sociétés, notre mode de consommation, notre perception de ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas.

Cette pandémie dit à de nombreux égards combien notre société est malade.
Enfermés, parfois seuls, parfois éloignés de notre famille, sans pouvoir avoir de contacts avec ses amis, proches et collègues, sans pouvoir sortir pour faire autre chose que des achats alimentaires nécessaires, nous mesurons à quel point notre régime de surconsommatation est devenue une dépendance et à quel point nous sommes devenus vulnérables.

Nous sommes vulnérables face au changement climatique et face aux catastrophes que celui-ci entraîne de plus en plus pour l’Homme, réfugiés climatiques, désertification et problèmes agricoles et d’approvisionnement en eau, etc … Nous sommes vulnérables face aux inégalités et tensions sociales croissantes qui entraînent des risques de violence, d’incertitudes et d’instabilité. Nous sommes vulnérables parce que simplement nous sommes totalement dépendants pour tous les actes essentiels et vitaux.

Parce que chaque épisode dramatique qui ébranle l’Humanité, fusse-t-il climatique, économique, sanitaire, sociale, semble tragiquement toujours précéder le suivant, faut-il se résigner et dresser un sombre tableau de la situation et souscrire aux discours pessimistes pour les jours à venir.

Sommes-nous condamnés à attendre la prochaine catastrophe et se faisant, faut-il logiquement nous y préparer individuellement ou localement, avec nos familles, nos proches ?

Pour certains, il ne s’agit plus d’une question mais d’une certitude. Notre société est au bord du gouffre et tout indique, sur des bases et études scientifiques que nous nous dirigeons et sommes tout proche de l’effondrement prochain de notre société.
Pour eux, aucun salut n’est possible autrement qu’individuellement ou en petit groupe, puisque notre société va se désagréger et qu'elle ne peut plus se guérir et moins encore être la solution au problème.
Eux, ce sont les collapsologues.

Initié au cours des années 2000 par l’ingénieur agronome Pablo Sévigne, co-auteur de « Comment tout peut s'effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes » publié en 2015, la collapsologie (de l’anglais « Colapse », effondrement), est un «  Exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur la raison, l’intuition et des travaux scientifiques reconnus. » 

Dans son livre publié en 2019 « Devant l'effondrement Essai de collapsologie » l’ancien Ministre écologiste Yves Cochet reprend également ses idées et partage cette intuition d’un effondrement prochain.
Acquis depuis des années à ces idées, Yves Cochet vit en Bretagne, dans une maison où il a tout prévu pour survivre après la fin prochaine du système. Interviewé récemment par le média Brut, alors qu’il est en confinement il considère au sujet de l'actuelle pandémie que « Tout cela montre que la mondialisation nous fragilise et rend vulnérable notre économie. Nous sommes trop interdépendants » en plaidant pour la constitution de communautés de voisinages.

Cette nécessité de retrouver notre autonomie et une indépendance locale fait écho aux positions qu’un autre ancien Ministre défendait il y a une dizaine d’années, puisqu’Arnaud Montebourg évoquait également  dans son livre « Votez pour la démondialisation ! » en 2001, la nécessité de développer le « Made in France » et plus largement le produire local.
Produire et consommer local, un enjeu économique et environnemental capital donc.
Toutefois, ce qui est aujourd’hui devenu une obligation c’est également de consommer autrement et de consommer moins. 
Alors qu’ils n’étaient jamais pris au sérieux il y a quelques années encore, les partisans de la décroissance, sont à présents bien plus écoutés. Dans un monde fini, est-il possible de consommer de manière illimitée et exponentielle ? Non, naturellement.
Sur les plateaux télé, ces derniers jours, il m’est d’ailleurs arrivé d’entendre dire par certains chroniqueurs et invités que le COVID19 nous amenait à la décroissance.

Un paradoxe au moment où les rayons des supermarchés sont pris d’assaut et lorsque la quête et le stockage de papier toilette est manifestement devenu une préoccupation capitale pour nombre de français en confinement.

Nous sommes une société alcoolique qui boit toujours plus pour oublier qu'elle est alcoolique. La réalité est celle-ci, nous vivons dans ce monde où les excès et le gaspillage semblent augmenter proportionnellement à la peur de voir tout cela s’arrêter brutalement. 
D'un côté, les vendeurs de produits jetables à bas coûts, comme les distributeurs de « Fast fashion », ne se sont jamais aussi bien portés, polluant et gaspillant toujours plus, quand dans le même temps se préparer au chaos est devenu tendance. 
De l'autre, Survival Expo, le salon dédié au survivalisme, attire à Paris chaque année de plus en plus de visiteurs et de curieux. De quoi s'agit-il ? Apparu dans les années 1960 aux Etats-Unis, pendant les guerre froide, le survivalisme rassemble justement celles et ceux qui se préparent à une catastrophe prochaine, à l’autonomie et à la survie.
Les exemples sont nombreux et témoignent malheureusement de notre incapacité à trouver des solutions face aux maux de notre société. Ils prouvent également à quel point nous avons la mémoire courte face aux catastrophes et aux avertissements passés.

Espérons quand même que la crise mondiale que nous traversons aura l’effet d’un avertissement et sera entendu cette fois. Le pire serait de reprendre notre quotidien, nos mêmes habitudes sitôt le déconfinement passé, la période estivale venue et bis repetita. On l'entend souvent, surement d'une oreille distraite, mais nous avons individuellement un rôle à jouer.
D’ici là, notre planète profitera encore de quelques semaines de répit, de moins de pollution, moins de déchets, moins d’agression de sa faune et de sa flore.

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