samedi 14 juin 2014

Albinos africains, la malédiction dans la peau

© Feije Riemersma
Si le fameux adage « l’Afrique est riche mais les Africains sont pauvres », illustre habituellement le phénomène théorisé dans les années 1990 de « malédiction des ressources naturelles », qui confère paradoxalement aux nombreuses richesses que compte le continent africain, la cause de la plupart de ses malheurs, c’est parce que nous savons tous combien les minerais rares et précieux, tels que l’uranium, le pétrole, l’or ou le diamant, sont souvent responsables de guerres, de massacres et de trafics.
 
Néanmoins, bien que cela puisse nous sembler totalement aberrant, alors que nous commémorons chaque année l’abolition de l’esclavage, force est de constater qu’outre les « diamants de sangs » du Libéria, l’or et le coltan de l’Est de la République démocratique du Congo, le pétrole nigérian ou l’uranium nigérien, la prédation et le commerce sont des phénomènes qui concernent aussi aujourd’hui des hommes, des femmes et des enfants.

Comme, pour l’ivoire l’est aux éléphants, la peau de certains africains, vaut de l’or et est au cœur d’un trafic très lucratif et particulièrement cruel. C’est le cas des albinos en Afrique.
Alors que les meurtres rituels d’albinos reviennent régulièrement dans les médias du continent et défrayent la chronique, certaines affaires particulièrement sordides et d’un autre âge, émeuvent et scandalisent l’opinion en Afrique et au-delà, relayant de plus en plus les persécutions dont font l’objet cette minorité.

La chasse aux albinos est une pratique courante dans certains pays. On évoque généralement le Sénégal, le Mali, le Cameroun, la RD Congo, le Burundi ou la Tanzanie, comme faisant parti des pays où la situation des albinos est la plus préoccupante.

Affaires d’enfants démembrés puis mangés, d’hommes et de femmes enlevés et charcutés vivants, sont autant de faits divers et d’histoires actuelles liant sorcelleries et croyances traditionnelles, qui prêtent aux albinos des pouvoirs magiques. Ainsi, coucher avec un albinos rendrait riche ou guérirait un malade du sida, le sacrifier permettrait de remporter une élection, manger certains de ses organes permettrait des guérisons miraculeuses ...

Difficile d’estimer le nombre et les proportions de ces persécutions et assassinats, car si les mentalités semblent évoluer comme en témoignent les condamnations à mort en 2009 en Tanzanie d’hommes ayant assassinés des albinos, paradoxalement en mars 2013, Madame Navi Pillay, Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, évoquait une recrudescence des attaques contre les albinos en Tanzanie, liées à la sorcellerie.

Difficile aussi de savoir si la notoriété du plus connu des albinos africains, le musicien malien Salif Keita ou de sa fille Nantenin Keïta, championne du monde du 400m malvoyant, ou l’engouement soudain du monde de la mode pour les mannequins africains et afro-américains albinos tels que Shaun Ross, Thando Hopa et Diandra Forrest, représentent une réelle évolution des mœurs et des mentalités ou bien l’arbre qui cache la forêt. 

Journal camerounais "Le jour" de novembre 2013
Affiche du rassemblement contre les sacrifices humains sur les enfants et les albinos en Afrique du 23 août 2013 à Paris à l'initiative d'un collectif d'associations
Centre de réinsertion des albinos au Sénégal © Mamadou Sane Dakar Bondy Blog

Le chanteur malien  Salif Keïta, le plus connu des albinos africains © Salif Keïta
 

La mannequin Diandra Forrest © Benjamin Stone
La mannequin Thando Hopa © Justin Dingwall
Le mannequin Shaun Ross © Manfred Werner
L'athlète Nantenin Keïta © Julian Finney/Getty Images Europe
L'un des albums des aventures d'un enfant albinos réalisé par le dessinateur gabonais Pahé afin de diffuser un message de tolérance ©Paquet édition 2012
Plus ?
- A lire, l'article de Juliette Gonsse et Annabelle Creuzé dans  Slate Afrique "Les albinos veulent sortir de l'ombre" (6 mai 2012).
- A voir, le reportage diffusé en 2010 sur Arte consacré aux sacrifices d'albinos.
 

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