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Chirlane & Bill, en couple depuis 22 ans. |
Rien à la base, il a gravi les échelons politiques, uns à
uns, entré dans l’arène en tant que Directeur de campagne d’Hillary Clinton,
lorsque celle-ci remporta son siège de Sénatrice de l’État de New-York. Il
devient ensuite Conseiller municipal de Brooklyn pendant 8 ans, avant de devenir
médiateur de la Ville
de New-York en 2010. Jusque là, toujours rien d’incroyable, un parcours comme
il en existe de nombreux semblables.
Pourquoi alors, les New-Yorkais semblent-ils avoir un tel
engouement pour cet homme ?
Comment, est-il passé du statut d’outsider de la primaire
démocrate, derrière la grande favorite, Christine Quinn, la Porte-parole du
Conseil municipal, avocate, militante lesbienne et héritière du Maire sortant, le
milliardaire Michael Bloomberg, à celui de grand vainqueur,
désigné par 40% des démocrates New-Yorkais, quand Quinn n’en rassemble que la
moitié ?
Encore plus fort, à quelques semaines des échéances
électorales, Bill de Blasio est crédité dans les sondages de plus de 50 points
d’avances sur son adversaire républicain, Joseph Lhota.
Comment donc, expliquer pareil ascension fulgurante ?
La potion magique du candidat démocrate comprend deux
ingrédients : sa famille et ses idées.
Sa famille d’abord, symbole
de la diversité des New-Yorkais.
Prenez Bill, un quinquagénaire blanc, hétéro de 2 mètres, Chirlane McCray sa
femme de 6 ans son aîné, noire, poète et lesbienne, enfin Dante et Chiara deux
ados métisses arborant une impressionnante coupe afro, vous obtenez la Team de Blasio.
Ce curieux mélange familial a fait mouche auprès des
New-Yorkais.
Ce n’est d’ailleurs pas un homme qui semble être candidat
mais une famille, tant celle-ci prend une place importante dans la campagne. Au
point, d’être taxé par ses adversaires d’instrumentaliser celle-ci, Bill de
Blasio joue à fond la carte de la famille américaine New-Yorkaise moderne.
Le véritable déclencheur de la soudaine ascension du
candidat est l’intervention de son fils de 15 ans, dans une vidéo
de campagne de 30 secondes, vue près de 300 000 fois sur internet.
Symbole d’un New-York jeune et métissé, le jeune homme, expliquant face caméra pourquoi son père est « le seul » qui mettra fin
aux méthodes policières « qui visent de manière injuste les personnes de
couleur », a déclenché une vague de sympathie.
Au fil de la campagne, c’est l’épouse du candidat qui s’est
également affirmée. Connue pour son activisme en faveur des femmes et des
homosexuels, celle-ci avait fait son coming-out en 1979 dans un magazine
afro-américain. C’est en 1991 qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari,
alors qu’ils travaillent tout deux au sein de l’équipe de David Dinkins, le
premier maire afro-américain de New York. L’engagement de Chirlane au côté de
son mari a été déterminant vis-à-vis de l'électorat féminin et du vote gay.
Enfin, Bill de Blasio lui-même, Warren Wilhelm Jr, de son nom de
naissance, a des origines allemandes de par son père et italiennes de par sa mère qu’il
a perdu en 2007 et dont il a pris le nom de jeune fille. Son père qui a perdu
une jambe lors de la Seconde
guerre mondiale puis a été soupçonné pendant la chasse aux
sorcières de McCarthy, est tombé dans l’alcool avant de mettre fin à ses jours lorsque
son fils avait 18 ans.
Bill de Blasio c’est
aussi des idées et un discours, celui d’une gauche décomplexée.
A gauche de la gauche on pourrait même classer Bill de
Blasio comme révolutionnaire aux Etats-Unis.
Voyage de noce à Cuba et intérêt non dissimulé pour la
révolution sandiniste au Nicaragua, Bill de Blasio est dépeint par son
adversaire républicain comme un dangereux gauchiste passionné par l’Amérique
latine.
Devenu le héraut des petites gens, fustigeant tout au long
de sa campagne un New-York à deux vitesses et cognant sur le bilan du Maire
sortant, il accuse ce dernier d’avoir laissé se creuser les inégalités,
préférant construire des pistes cyclables et des zones piétonnes.
Selon une étude récente, 1,7 million de
New-Yorkais, soit plus de 20 % de la population, vivaient en 2012
au-dessous du seuil de pauvreté, les 5 % les plus riches gagnent 49 fois
plus que les 5 % les moins favorisés.
Pour y remédier, Bill de Blasio propose un programme très
encré à gauche et s’attaque en particulier à l'accroissement des inégalités et
l'envolée des prix des loyers.
L’une de ses mesures phares est la mise en place de crèches
gratuites financées par une augmentation des impôts pour les plus hauts revenus
(plus de 500 000 dollars par an).
Arrêté cet été en marge d’une manifestation de soutien au
Long Island Community Hospital, un des six hôpitaux de Brooklyn menacés de
fermeture, alors que 12 hôpitaux publics new-yorkais ont fermé en 12 ans, le
candidat a également mis le thème de l'accès à la santé au cœur de sa campagne.
Une famille symbole
du vivre ensemble contre le repli communautariste.
Dans la ville la plus peuplée des Etats-Unis qui compte plus
de 8 millions d’habitants, dont la moitié issue des communautés
afro-américaines et latinos, le tour de force de Bill de Blasio réside surtout dans
le fait qu’il a séduit ces communautés sans pour autant en être membre. Il a obtenu
la plus forte proportion de vote au sein de la communauté afro-américaine face
à un candidat noir, Bill Thompson. Il a remporté les voix de la communauté
homosexuelle et celles des femmes face à une candidate ouvertement lesbienne, ainsi que celles
de la communauté juive face à Anthony Weiner, un autre prétendant à la primaire
de cette confession.
Paradoxe donc, alors que ce type de rendez-vous électoraux peut facilement céder aux tentations communautaires, Bill de
Blasio a été placé en tête des scrutins par l’ensemble des « minorités ».
Dans une interview publiée dans le New York Daily News, le responsable d’une
compagnie de sondage a été jusqu’à parler d’une « élection post-raciale »
en expliquant « je ne me souviens pas d’une élection où un candidat noir a
perdu le vote noir, une femme le vote féminin, ou un candidat juif le vote
juif. C’est vraiment impressionnant ».
L’engouement des New-Yorkais pour Bill de Blasio, tient
davantage non pas finalement à sa personne, comme ça l’avait été davantage pour
Barack Obama, mais plutôt à ce que ce candidat dégage et l’image qu’il renvoi d’une
Amérique positive, enthousiaste, ouverte et tolérante, soucieuse de combattre
les inégalités et d’affirmer ses valeurs humanistes au-delà des différences, du
repli communautaire et du rejet de l’autre, en faisant de la diversité une force et non pas une faiblesse.
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